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Des hommes et des mots

Solidarité

15 Novembre 2012, 15:40pm

Publié par Patrice Branche

Solidarité

Centres de rétention administrative, un constat alarmant

La Cimade appelle à une réforme urgente des Centres de rétention administrative.

Présente depuis sa création dans les lieux d’internement, la Cimade publie son rapport annuel. Depuis deux ans elle le rédige avec quatre autres associations d’assistance aux étrangers, qui, par convention avec le ministère de l'intérieur, assurent avec elle des permanences juridiques dans les centres de rétention. Ces associations informent les étrangers et les aident à exercer leurs droits durant la procédure de rétention. Elles tirent un premier bilan alarmant de la loi dite Besson votée en juillet 2011.

« Le constat est dramatique. C’est un énorme recul de l’accès aux droit et une “massification” du nombre d’étranger en rétention pour une efficacité faible » s’alarme Laura Petersell, déléguée permanente de la Cimade à Bordeaux. « Si on peut parler d’efficacité ! » ajoute-t-elle.

En métropole, un quart des personnes étrangères placées en rétention à compter de juillet 2011 ont été éloignées avant le cinquième jour d’enfermement, c'est-à-dire avant d’avoir pu voir le juge judiciaire. « En effet, précise Laura, la loi a augmenté ce délai de rétention avant d’avoir accès au juge ; de 48 heures il est passé à 5 jours, précise-t-elle, ce qui donne tout le temps pour une expulsion en dehors du contrôle d’un magistrat ». Outre-mer, cette situation est pire qu’en métropole : Mayotte est régie par un droit d’exception, très peu regardant sur les droits des personnes. En Guyane, Guadeloupe, Martinique, La Réunion, la quasi-totalité des personnes sont expulsées sans avoir vu le juge : c’est le droit commun des étrangers – qui est déjà un droit d’exception au regard du droit commun des Français – qui s’applique. Tel est l’un des constats alarmants que dressent les cinq associations# présentes en rétention dans leur rapport 2011 qui vient d’être publié.

Ce deuxième rapport commun apporte, chiffres et témoignages à l’appui, une analyse inédite de l’application de la loi Besson, entrée en vigueur en juillet 2011. Il met en évidence le contournement voire la mise à l’écart des juges au profit du pouvoir de l’administration et des préfectures, des situations de droits bafoués, d’éloignements expéditifs, d’interpellations abusives, d’enfermement inutile qui en devient parfois punitif. Ce constat, sans appel, est plus grave encore en Outre-mer. Durant cette même année 2011, ces pratiques ont été à plusieurs reprises sanctionnées par les plus hautes juridictions françaises et européennes.


Le rapport ne se contente pas de décortiquer un système : il permet de souligner l’urgence d’une réforme profonde des procédures d’éloignement. Selon les promesses de François Hollande et en conformité avec les engagements européens de la France, la rétention administrative doit devenir une exception.

3 questions à Laura Petersell, déléguée permanente de la Cimade à Bordeaux


Qu’est ce qu’un centre de rétention administrative ?

Les textes parlent de « locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ». Cet euphémisme indique des lieux de privation de liberté spécifique pour les étrangers en instance d’éloignement du territoire français : les dirigeants politiques ont voulu insister sur le caractère non pénal de ces lieux ; mais ceux-ci ont tout d’une prison tout en étant pas une prison car les personnes retenues n’ont pas été placées par un juge mais par le préfet. À Bordeaux, le centre de rétention est situé dans les sous-sols de l’Hôtel de police. C’est un petit centre de vingt places pour hommes majeurs. Le sous-sol, le patio sous puits de jour, l’ambiance lourde, l’espace confiné, le peu d’air et de lumière naturelle, ajoutent à l’inhumanité des lieux. On y trouve cinq chambres – je dirai cinq cellules – de quatre lits, une zone de vie avec salle de restauration, sanitaires, service médical, et les bureaux de l’OFII# et de la Cimade.

Quel est votre rôle et l’action de la Cimade dans ces lieux ?

Si sur le papier notre mission première est l’accompagnement et le soutien juridique en rétention, dans les faits notre mission relève surtout de la présence humaine, de l’écoute que nous voulons attentive et bienveillante. Si nous tentons d’agir pour la défense des personnes en rétention, d’abord et plus humblement nous sommes avec elles en rétention, c'est-à-dire à leurs côtés. À Bordeaux ce sont essentiellement des Tunisiens. Je les rencontre, je leur explique pourquoi ils sont arrivé là, quels sont leurs droits, les recours possibles ; je fais le lien avec leurs avocats. La Cimade a aussi une action de plaidoyer, de veille citoyenne et de sensibilisation de la société civile : nous sommes son regard dans ces lieux d’enfermement.


Que vous inspire ce rapport ?

Ce système d’enfermement et d’expulsion d’étrangers aux logiques ubuesques est une absurdité : déploiement important de moyens humains financier et économiques pour une politique qui n’a aucun sens et qui, de plus, est inhumaine.

Nous avons eu des élections et un changement de majorité. Nous avons entendu des déclarations publiques sur l’arrêt de la politique du chiffre menée jusque là. Nous pouvions nous en féliciter mais, dans les faits, on voit l’empressement à sortir en urgence une nouvelle loi# inutile. Celle-ci va permettre d’interpeller et priver de liberté d’avantage encore d’étrangers avec possibilité d’expulsion sans aucun contrôle du juge !

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