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Des hommes et des mots

Licenciement et chômage

18 Avril 2013, 16:48pm

Publié par Patrice Branche

Licenciement et chômage

PME-PMI, il faut sauver le navire !

Henri Carmona, un isérois de 57 ans, s’est spécialisé dans le sauvetage des entreprises en difficulté (PME,PMI…). Ce patron sait de quoi il retourne : fondateur d’une PME fabriquant des machines spéciales pour l’industrie, il a connu quelques fortunes de mer inhérentes à la vie de l’entreprise, les difficultés du parcours imposé des tribunaux de commerce, des banques, des administrateurs judiciaires et autres liquidateurs. Aujourd’hui en remettant des entreprises à flot il invite à faire évoluer les mentalités : une voie d’eau ne doit pas inéluctablement se transformer en désastre organisé. Si les hommes sont bien au cœur de ses préoccupations, pour lui, il faut avant tout sauver l’outil de travail. Plutôt que de faire a posteriori du traitement social auprès des naufragés économiques, sauver le navire. Au delà de la rhétorique, Henri Carmona s’insurge contre les habitudes et les solutions radicales souvent proposées sans plus d’alternative quand une entreprise est en crise.

  • Pour remettre à flot les entreprises, il faut bien les connaître de l’intérieur : quel est votre parcours et que vous a-t-il enseigné ?

Henri Carmona : 30 années d'industries diverses et variées, avec, au cours de ma carrière quasiment toujours des postes qui se créaient et dont il fallait faire la trace.

En plus de la volonté de réussir, cela m'a donné et développé cette capacité à ne pas avoir peur de l'inconnu. J’ai été confronté, comme d’autres, aux difficultés financières de la PME, aux besoins en fond de roulement, aux impayées… J’ai toujours cherché à aller de l’avant. Plus autodidacte que diplômé1, j'ai toujours trouvé du plaisir et mis de la passion dans la recherche de solutions aux problèmes posés, qu'ils soient techniques, managériaux, humains, stratégiques, financiers ou autres. Avec, en paradigme, la conviction qu'il existe toujours une solution et qu’il faut la trouver !

  • Aujourd’hui la croissance n’est toujours pas là, environ 60 000 entreprises sont défaillantes chaque année et de nombreuses autres en difficulté, le chômage est endémique. Vous dites « on s’occupe des marins mais on se préoccupe peu des bateaux » ?

C'est une métaphore. C’est vrai, je dis souvent qu'il vaut mieux s'occuper des bateaux que des marins, parce que tant qu'il y aura des bateaux, il y aura toujours des marins. Et le jour où il n'y aura plus de bateaux… les équipages resteront à quai ! Notre pays doit s'occuper de ses entreprises. Il y a quelques années, les institutions nationales et internationales se sont aperçues qu'il était préférable de donner des moyens et d'apprendre aux pays en voie de développement à produire par eux-mêmes plutôt que de leur envoyer des denrées alimentaires.

Nous devons suivre le même chemin pour les entreprises.
Tous les créateurs d’entreprise vous le diront. Il faut dépenser une énergie considérable pour créer et faire vivre une entreprise, monter une ou des équipes qui devront s’entendre, s’épauler, se faire confiance. Monter une équipe cela ne consiste pas seulement à sélectionner des compétences, c’est aussi faire vivre et travailler ensemble des personnes. La part humaine est forte ; ces personnes sont issues de milieux différents, avec des passés différents et n’ont, peut-être pas, les mêmes objectifs personnels. Je me rappelle la phrase de Nietzche qui dit en substance « Les choses sont impossibles parce que les hommes les rendent impossibles. »
De fait, le dirigeant devient une espèce de cuisinier qui, quoi qu’il arrive, doit toujours réussir à ce que la mayonnaise prenne. Et cela n’est pas toujours facile.

Nombreuses sont les définitions du management, nombreuses sont les théories sur le management. Peu parlent de l’isolement du chef d’entreprise ou du dirigeant, qui du matin au soir est contraint à prendre des décisions pour lesquelles, quelques fois, il n’a même pas le temps de la réflexion. Plus la période devient difficile, plus les choses s’accélèrent, plus il s’isole, coincé souvent entre le raisonnement de bon sens et la fierté ou le quand dira-t-on qui le pénalise ou l’aveugle dans sa décision. A ce moment, il lui est difficile d’imaginer la longueur du tunnel dans lequel il s'est engagé et l’amplitude d’une expérience qui va le mettre à rude épreuve et sa capacité de résistance, sa pugnacité, sa santé et son environnement proche.

  • Vous voulez symboliquement rebaptiser les tribunaux de commerce !

Est-ce qu'une personne malade va au Tribunal? Non, alors pourquoi une entreprise malade irait-elle au Tribunal ? Dans un hôpital, on prend toutes les dispositions pour soigner et pour sauver, même si quelques fois la nature reprend ses droits. Le Tribunal de commerce n'a ni les moyens, ni les mêmes prérogatives qu'un hôpital. Mais si nous pouvions réfléchir à cette idée et à ce qu'il faut mettre en œuvre pour y arriver, peut-être nous étonnerions-nous ? Quand un plan est adopté par un Tribunal de commerce, les dettes contractées par l'entreprise sont ré-étalées. On apporte, de cette façon, une solution à une entreprise défaillante, mais qu’en est-il des fournisseurs et sous-traitants qui, du coup, voient leurs règlements étalés sur plusieurs années ? Ma crainte est que, s'il y a généralisation, cet unique remède risque, à terme, de fragiliser l'ensemble et entraîner des chutes en cascade.

  • Que proposez-vous pour aller plus loin ?

Je n’ai pas la prétention d’avoir une solution toute faite.

Ce qui m’interpelle est que depuis des années, à quelques modulos prêts, nous continuons d’utiliser les mêmes recettes. Pour autant, nous n’éradiquons pas le mal, même si je reste convaincu que les personnes qui œuvrent pour aider ces entreprises le font sincèrement et avec conviction. Ma crainte est que peut-être nous arrivons au bout de notre modèle.
Il me semble qu’Hervé Sérieyx avait trouvé la phrase juste : « A vouloir résoudre les questions de demain avec les outils d'hier, nous avons les problèmes d'aujourd'hui ».

  • Les pouvoirs publics et les collectivités locales soutiennent la création d’entreprise avec force moyens sachant que, s’ils sont prometteurs, les marchés ne sont pas encore là, et les clients pas encore acquis. Sans opposer création d’entreprises nouvelles et poursuite d’activité pour les entreprises en difficulté, pourquoi donc ne pas chercher des solutions ambitieuses et des moyens pour ces dernières plutôt que de les traiter de manière souvent brutale et radicale ? Les unes comme les autres sont pourtant des foyers d’innovation. Les unes comme les autres ont un marché et des clients – déjà en portefeuille, pour ces dernières. Qu’en pensez-vous ?

Il ne faut rien opposer, mais il faut que tout soit complémentaire.

Nous avons autant besoin des créateurs que des «repreneurs». Il ne faut pas aider plus les uns que les autres, ce qu’il faut c’est aider chacun à résoudre ses problèmes et à être à la hauteur des difficultés rencontrés.
Créer une entreprise et reprendre une entreprise ne font pas appel aux mêmes qualités.
C’est bien pour cela qu’il y a de la place pour tous et qu’il est important que les problèmes des uns ne masquent pas les problèmes des autres.

  • Chaque année, précise l’INSEE, 15 000 entreprises disparaissent faute de repreneurs, et dans les dix ans à venir 500 000 entreprises seront à reprendre. On favorise largement la création mais à activité égale, les chances de survie d’une reprise sont un peu meilleures. Pourtant depuis 10 ans, la part des reprises dans les créations est en baisse constante et régulière. Qu’est ce que cela vous inspire ?

Il est difficile de dire que les repreneurs ne sont pas aidés dans leurs démarches.

Il n’y a qu’à regarder la palette de prestations que propose OSEO, les Régions, etc…
Il faut se rappeler qu’une entreprise doit correspondre à un besoin, avéré, existant ou même en sommeil ou en gestation. Une entreprise doit avoir des clients et ce sont ces clients qui la font vivre. Aider des créateurs à enfanter d’entreprises sans marché ou sans clients relève plus de la spéculation qu’autre chose. Mais cela ne veux pas dire que cela ne marchera pas.
Mais là nous entrons dans le monde des visionnaires et des stratèges.

Photo: Patrice Branche

Henri Carmona, INSIDE Resolutions, 1 Rue des Pins, 38100 Grenoble, France

http://henricarmona.blogspot.fr/

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